Le baiser de l'araignée by Roger Judenne

Auteur:Roger Judenne [Judenne, Roger]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Jeunesse
ISBN: 9791021400191
Éditeur: Oskar
Publié: 2013-07-14T22:00:00+00:00

Chapitre 5

Peu après ce premier coup de téléphone, Gabin en reçoit un second de son patron, le commissaire Deflauw.

— La gamine que vous pistez depuis l’enlèvement de sa copine turque est introuvable. Le préfet est sur les dents. J’ai besoin de vous. Amenez-vous tout de suite.

Changement de refrain. Demi-tour sur les chapeaux de roue. Le commissaire n’est pas à une volte-face près.

— Mais je suis en vacances, patron.

— Vacances refusées.

— Mais, c’est vous qui…

— Une demi-heure. Je veux vous voir dans mon bureau à 10 heures au plus tard.

Clic. Il a raccroché. Gabin reste pensif. Un tel revirement ne peut être motivé que par une intervention musclée de la préfecture. En clair, Deflauw a reçu une soufflante et, une fois de plus, il craint pour sa carrière. Gabin n’a pas digéré l’engueulade de la veille. Au moment où il repose son portable, il sent monter en lui un désir de prendre son patron à son propre piège, désir qui ressemble à une envie de revanche. Et s’il ne bougeait pas ? Et s’il partait au Canada ? Maintenant ?

Il m’a mis sur la touche, qu’il se débrouille !

Mais, dans le même temps, la première phrase de Deflauw résonne dans sa tête.

Il a dit ; la gamine que vous pistez et sa copine turque.

Volontairement ou non, si ses paroles ont associé les deux filles, n’est-ce pas parce que, lui aussi, suspecte maintenant qu’elles pourraient avoir subi un sort identique ? Alors, le spectre de Larbier réapparaît dans la tête de Gabin. Du coup, vacances ou pas, désir de revanche ou pas, Gabin se propulse vers la salle de bains. En quelques minutes, il est prêt et il saute dans sa voiture.

* * *

10 heures. Gabin pénètre dans le commissariat. Dès qu’il le voit, son collègue pointe un doigt vers le plafond, en direction du bureau de Deflauw, qui se trouve juste au-dessus du leur.

— Depuis le coup de fil de la préfecture, il est enfermé là-haut, dit-il.

— L’assistante sociale l’a appelé ?

— Non. Elle a signalé la disparition de la petite Badloque en interne, et c’est le directeur départemental de la Protection de l’enfance lui-même qui a saisi le préfet. Procédure ordinaire pour les enfants placés sous tutelle. C’est le cabinet du préfet qui a contacté le patron. J’étais dans son bureau. J’ai tout entendu.

— Et alors ?

— Alors, il en a pris une sévère. On lui a reproché de ne pas avoir écouté l’assistante sociale l’autre jour. Elle s’est plainte d’avoir été mal reçue et a signalé que Deflauw n’avait pas pris en compte ses inquiétudes.

L’éclair d’un instant, le souvenir de la femme qui sentait la bière traverse son esprit. Gabin pressent le raisonnement de Mme Barnier et comprend le pourquoi du revirement de Deflauw.

Elle était inquiète parce que Vanessa fréquentait Larbier trop assidûment à son goût. Elle redoute probablement que Vanessa soit tombée entre ses pattes. En reprochant à Deflauw de ne pas l’avoir écoutée, elle le charge et, d’une certaine façon, le rend responsable de la disparition.

Venant d’une fonctionnaire attachée à la protection de l’enfance, ces paroles risquent d’être lourdes de conséquences.

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